Bain de Blues 20-21/04/2018 Bain-de-Bretagne (35)

D’année en année, le Festival Bain de Blues s’impose comme une référence incontournable pour tous ceux qui s’intéressent aux racines de notre cher rock sudiste, parmi lesquelles blues, boogie, jazz et même soul figurent en bonne place. Cette année, une certaine impatience avait envahi les esprits avec la programmation durant le festival d’un artiste déjà chroniqué dans RTJ, et très apprécié au sein de la rédaction : Thorbjørn Risager et son Black Tornado.
En arrivant sous un soleil radieux, les festivaliers pouvaient découvrir une exposition photo dédiée aux dames du blues photographiées par Yves Lafosse. Les plaisirs de l’œil avant les plaisirs de l'oreille...

Comme il se doit, après un discours du Président évoquant l’absence désormais définitive du très regretté Pedro Sabater, c’est au groupe chargé des inter-scènes qu’il est revenu d’ouvrir cette édition. Electric Blues Duo, composé de Xavier Pillac (chant, guitares) et Antoine Escalier (basse, batterie commandée par les pieds) s’empare donc de la petite scène et se met en devoir de chauffer le public, qui n’en avait guère besoin, la météo étant cette année très clémente. Le duo possède une bonne énergie, dans un style plutôt « roots » et saura tout au long de la soirée imposer son climat.



Sur la grande scène déboule tout d'abord le groupe rennais Cut The Alligator. Puissante sans être lourde, grâce à l'appui d'une section de vents (deux saxes pour les bois, une trompette pour les cuivres), la formation très en place s'empare de la scène pour faire partager son soul-funk de bon aloi. La répartition des rôles s'opère de manière très complémentaire entre les deux chanteuses du groupe, Louise Robard et Stellis Groseil. Le groupe réussit visiblement à produire un très bon impact sur le public, en particulier grâce à un bon jeu de scène qui en dit long sur le travail effectué et un répertoire qui mêle quelques reprises à de bons titres originaux.


L'ambiance ne va pas tomber avec la formation suivante, The Big Sets : bien assis par une remarquable rythmique, le groupe anglais lauréat du prix Bain de Blues au Tremplin Blues des Rendez-Vous de l’Erdre 2017 à Nantes va alterner avec une rare intensité des blues enlevés aux frontières du pub-rock et de féroces titres funky. Pas de temps mort dans une prestation pied au plancher servie par une grosse présence scénique, mais un moment inattendu quand le chanteur/harmoniciste va carrément faire s'agenouiller le public devant la scène !

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Le chemin est tout tracé pour la tête d'affiche Thorbjørn Risager & the Black Tornado, qui entraîne d'emblée l'assistance dans son puissant tourbillon. Énergique, carré et très efficace, le Danois impose d'emblée sa voix puissante et ses riffs de guitare, appuyé par des musiciens tout aussi remontés que lui. La rythmique, très en place, martèle et pousse le public dans ce chaudron bouillant rempli de blues, de boogie, de soul, de rhythm'n'blues, et même de rock ! Le moins qu'on puisse dire est que ça déboule sévère, avec l'appui de deux vents (un sax et une trompette) qui vont même s'essayer à faire les Claudettes sur « On my way ». Comme quoi, on peut envoyer sérieux sans pour autant se prendre trop au sérieux. Le show finit en trombe sur du rock'n'roll débridé, on en ressort essoré !



Après ce copieux menu, il fallait un truc bien énergique et déjanté pour clôturer la soirée. Le trio alsacien Dirty Deep s'en est chargé avec ce grain de folie qui font les souvenirs. Vu le volume sonore délivré par les musiciens et leur répertoire atypique, on ne risquait pas de s'endormir ! Décrivant leur musique comme du « blues de junk-joint des temps modernes, à la fois fidèle à la tradition et grungy », les trois complices n'ont en effet pas mégoté sur l'énergie, sur un mode un peu rude pour une partie du public qui a pris un peu de distance en se dirigeant vers le bar. Le guitariste/chanteur/harmoniciste et le batteur sont même allés jusqu'à descendre de scène pour continuer à jouer dans le public, le batteur emmenant avec lui son tom basse pour faire mieux partager une musique aux accents de plus en plus tribaux. Sacrée soirée !



Le lendemain après-midi, malgré une nuit courte, il ne fallait pas rater les Bar'n'blues ! Dès 15h, les Angevins de Spoon entamaient les hostilités au Point B@r. Rythmique solide, jeu de guitare original sur deux doigts de Thierry Lepicier, la prestation se déroulait fort agréablement jusqu'à la première surprise du jour. Après quelques morceaux, le trio était rejoint par John Smith, l'harmoniciste des Big Sets, décidément adepte des événements inattendus, qui embarquait le groupe et l'assistance dans un formidable instant de convivialité musicale. L'intenable Anglais restera quasiment jusqu'au bout du set. Le public enchanté a réclamé un rappel qui permettra de remarquer les aptitudes de soliste du bassiste.



À peine le concert terminé, il ne faut perdre aucune minute pour se rendre aux Deux Marches, le bar où se produit à 17h le duo The Cathouse Boys, lui aussi angevin, composé de Maurice Moitel (chant/harmonica) et Anthony Lefeuvre (chant/guitare). Très au point dans un répertoire très éclectique allant du blues le plus traditionnel à la frontière avec le ragtime à des morceaux de rock mis à leur sauce (Personal Jesus, Day Tripper…), les musiciens arriveront pourtant à donner l'impression d'une grande homogénéité basé sur un picking impressionnant à la guitare combiné avec des interventions efficaces mais plus traditionnelles à l'harmonica. La fin du set verra Thierry Lepicier, le guitariste de Spoon, venir faire le bœuf dans une complicité montrant que les musiciens se connaissent certainement depuis un bon bout de temps… Encore un très bon moment sous le soleil breton.



La course éperdue continue car il ne faut sous aucun prétexte rater l'ouverture de la deuxième soirée, qui démarre avec par le trio rouennais Loscar Combo. Charles Ducroux (voix et guitare), Pascal Lob Hernandez (contrebasse) et Fred Foucard (batterie) vont traverser avec une allégresse communicative plusieurs courants musicaux au cours de la soirée mêlant pas mal de Johnny Cash avec des influences plus rock comme Chuck Berry ou… Alain Bashung, joliment interprété. Les inter-scènes de Bain de Blues confirment cette année encore leur remarquable niveau.

Sur la scène principale se présente le duo Yvan Guillevic & Anne Sorgues. Le guitariste et la chanteuse sont accompagnés d'un groupe avec section rythmique, claviers, sax… Voix puissante d'Anne, accompagnements tout aussi puissants, mais pas dépourvus d'une certaine sensibilité, de la formation musicale, tout pourrait aller pour le mieux si le début du set ne souffrait pas du tempo très modéré des cinq premiers morceaux. Tout ceci est bien posé, peut-être un peu trop… La guitare d'Yvan essaie bien d'amener un peu de folie au milieu des morceaux de leur dernier album et de reprises un peu convenues à ce niveau (Superstition, The thrill is gone…) mais sans y réussir vraiment. La reprise de Summertime pâtit d'un début bien lent, sûrement destiné à mettre la voix d'Anne en évidence, avant de dériver vers un plus distrayant shuffle. L’ensemble démontre une évidente qualité mais manque un peu de flamme à mon goût par rapport à la soirée du vendredi.



Mais Randolph Matthews, Antillais de la Grenade, accompagné par son remarquable gang d'Italiens (Alessandro Diaferio à la guitare, Pablo Leoni à la batterie et Andrea Vismara à la basse) allait changer rapidement tout ça ! Pourtant tout avait commencé presque calmement, et puis Randolph allait se servir de son remarquable sens du contact avec le public pour faire déraper sa prestation en emmenant ceux qui y étaient prêts dans un monde bien à part. Pour introduire le deuxième titre, il envoie des bruitages au départ surprenants : voiture, sirène de police, aboiements de chien… tout y passe et même le moins avouable pour finalement introduire le Police dog blues de Blind Blake ! Ne nous y trompons pas : le discours et le show restent très maîtrisés, et c'est ça aussi qui est exceptionnel, mais notre chanteur impose à la salle un répertoire original, en faisant par moment passer des frissons vaudous. Doté d'immenses possibilités vocales, y compris en dehors du chant (imitations, bruitages), n'hésitant pas à se servir d'artifices sonores, Randolph Matthews fait le show de manière très démonstrative, avec beaucoup de relief et emporte ainsi l'adhésion du public. Sa version du classique Hey Joe, pourtant un standard mille fois entendu, sort vraiment des sentiers battus et rebattus, avec une intro particulièrement bien trouvée, où l'artiste, avec force mimes, met en jeu les craquements du vinyle et simule les battements de son cœur, pour se poursuivre en performance vocale qui lui vaudra un gros succès de la part d'une assistance comblée. Un vrai phénomène ! Bien entendu, il ne pourra pas s'éclipser sans un rappel réclamé de manière enthousiaste par la salle !



Difficile de passer après une telle tornade, mais Aymeric Maini s'y est employé avec talent, bien soutenu par son groupe très en place, essayant d'entraîner le public vers un registre plus dansant à base funky, mais aussi en réservant des moments plus intimistes dans une ambiance plus acoustique. Capable entre deux morceaux de tenir la scène seul avec sa pedal-steel pour un blues traditionnel poignant, il s'en tire avec les honneurs et gagne le respect et l'estime générale.

Comme la veille, la soirée s'est terminée en trombe avec la pianiste-chanteuse Dona Oxford, à la voix aussi puissante que son attaque sur les touches ! Ça ne rigole plus, ça déménage avec beaucoup de talent et une énergie volcanique qui emporte tout sur son passage. Blitzkrieg ! Pas le temps de dire ouf, les reprises alternent avec les propres compositions de la dame, façon boogie-rock teigneux et bien emballé. Le groupe (une rythmique et deux guitaristes) pousse derrière sa « frontwoman » qui n'a pourtant guère besoin de ça pour dynamiter la scène. Une belle découverte qui a amplement mérité son succès et qui laisse sur beaucoup de visages un sourire béat…
Belle conclusion pour un festival toujours très bien organisé, encore une fois composé de facettes très diverses, pas toujours très blues mais méritant à coup sûr le déplacement !
Dis Patrick, après les incursions déjà réalisées dans des climats funky ou soul, à quand des ambiances sudistes bien « groovy », rempli du feeling « honky-tonk » des clubs du bayou ?
Rendez-vous en 2019 !
Y. Philippot-Degand

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